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Aktuelle Version vom 29. Juli 2016, 08:51 Uhr

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Franc-maçonnerie: vous avez dit universelle?

© Julian Rees 2008 UGLE


Planche lue le 5/4/2008 pendant une Tenue Blanche fermée du Grand Orient de France par Julian Rees, l'ancien rédacteur d'une revue maçonnique appartenant à la Grande loge Unie d'Angleterre qui est venu à cette réunion avec l'assentiment de son obédience.

L'auteur m'a autorisé à reproduire ses réflexions librement, à la seule condition de citer son nom.

Très Puissant Souverain Grand Commandeur, mes Sœurs et Frères :

Je voudrais te remercier, Cher Frère Alain, de me donner la possibilité de prendre la parole devant cette Assemblée et d'espérer que cela renforce nos liens d'estime et d'affection.

La Franc-maçonnerie signifie beaucoup de choses pour beaucoup de Francs-maçons mais, selon moi, au cœur de la quête maçonnique se trouve l'idée contenue dans l'Hermétisme, celle de la dualité de l'univers. La plus simple expression de cette philosophie se retrouve dans la géométrie de nos Temples: un double cube, l'un étant symbole de l'Homme, l'autre symbole de la puissance qui se trouve derrière le monde matériel – nous pourrions l'exprimer par le mot « Éternité ». Ainsi, comme nous le savons à travers les inscriptions de la Table d'Emeraude, Hermès Trismégiste atteste que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour l'accomplissement des merveilles de la chose unique, ou bien que le macrocosme et le microcosme ne font qu'un.

Lors de mon initiation en maçonnerie, j'ai les yeux bandés afin de détourner mon attention des contingences bien connues du microcosme matériel et pour concentrer mon esprit sur la part immatérielle et spirituelle de ma personne, le macrocosme, dans le but de comprendre, pendant un court moment au moins, la puissance de l'unité. Plus tard, au fil de mon parcours initiatique, je vais comprendre la portée de cette puissance de l'unité et que cette puissance ceint tous mes Frères, un groupe qui maintenant m'inclue comme un maillon de cette chaîne. Donc l'unité devient un élément incontournable de ma vie maçonnique.

En Angleterre, au dix huitième siècle, lorsque la religion et la politique étaient étroitement imbriquées, le catholicisme était qualifié de Jacobite, de Stuart, élément rebelle à l'ordre établi, combattant les Hanovre, protestants, opposés à la monarchie et au gouvernement des Stuart. Ainsi, les discussions portant sur la religion et la politique furent-elles interdites dans les loges pour éviter, et pas en dernier lieu, que les gens de l'extérieur suspectent les loges d'être des éléments séditieux de la société. Une telle posture a garanti une unité d'acier des Francs-maçons et depuis, la Franc-maçonnerie est devenue un lieu unique où les hommes de bonne volonté, même s'ils ont des avis divergents, peuvent se reconnaître dans un solide et brillant exemple d'unité.

Combien il est contrariant de constater, trois siècles plus tard, qu'il persiste tant de désunion dans l'ensemble du monde maçonnique! Diverses obédiences, pratiquant différentes formes de l'Art ancien, coexistent, certaines en harmonie, d'autres en disharmonie. A mon avis, le plus flagrant exemple de cette désunion est illustré par l'existence de deux systèmes dans la maçonnerie masculine des Etats d'Amérique du Nord. Une Grande Loge - soi disant régulière - est principalement composée de Francs-maçons blancs, alors qu'en parallèle il y a la Grande Loge de Prince Hall, fréquentée quasi exclusivement par des maçons de couleur. Je dis "exemple extrême" alors que, heureusement, ces vingt dernières années les deux systèmes ont fini par se reconnaître mutuellement dans la plupart des Etats du pays, mais pas dans tous. C'est un véritable scandale, savoir que dans certains Etats du Sud, la Grande Loge - soi-disant régulière - ne reconnaît pas la Grande Loge de Prince Hall. Je trouve cette attitude profondément humiliante et contraire à tous les principes maçonniques, car c'est la négation même de la raison d'être de la Franc-maçonnerie, à savoir l'unité dans la fraternité.

Mais plus près de nous, sur le continent européen, auquel la Grande Bretagne appartient, et pas seulement géographiquement - je dois le rappeler parfois à mes amis -, des divisions empoisonnent notre recherche spirituelle; divisions qui, franchement, nous sont préjudiciables, à nous Francs-maçons. En tête de ces divisions se situe l'éternel débat entre les GADLU et les non-GADLU (GADLU, en français, le Grand Architecte de l'Univers). Ce n'est pas que je déplore ces différences en tant que telles. Après tout, elles représentent des traditions culturelles importantes que chaque obédience chérit et qui doivent être respectées. Par contre, je déplore que ces différences nous interdisent de célébrer ensemble notre vieille confrérie. Et plus encore, qu'on me pardonne de le dire, je déplore que nos dirigeants manquent parfois de volonté pour trouver des solutions à ces différences. Pour certaines obédiences dialoguer avec ceux qui ne partagent pas leurs principes ne semble pas être prioritaire dans leurs agendas.

En ce qui concerne l'affaire du GADLU/non GADLU , je me rappelle qu'il y a quelques temps la Fédération internationale du Droit Humain a tenu près de Londres un colloque sur le thème central suivant : "Notre Ordre travaille à la gloire du GADLU et/ou bien à l'amélioration de l'humanité? S'agit-il de deux aspects différents, ou bien de deux chemins permettant d'atteindre le même but?"

Travaillons-nous à la gloire du GADLU, ou bien à l'amélioration de l'humanité? La plupart de mes Frères maçons que j'ai interrogés sur cette question m'ont répondu: "C'est la même chose". Pour moi, cette réflexion résume l'essentiel et je voudrais partager avec vous l'aspect fondamental de la question:

Au premier degré du Rite Emulation, le Vénérable Maître dit une prière pour le candidat en appelant la bénédiction du Grand Architecte sur son initiation. Une partie de cette prière exhorte ainsi le Grand Architecte:

Grâce à ta sagesse divine et avec l'aide des secrets de notre Art maçonnique, dote (ce récipiendaire) de la meilleure capacité de découvrir les beautés de la vraie foi.

Alors, Franc-maçon ou pas, il est parfaitement clair pour chacun qu'il n'y a qu'un seul lieu à partir duquel le récipiendaire peut découvrir, ou dévoiler, ou exposer la vrai foi, à savoir à partir de lui-même. Je veux dire par là qu'il valide ainsi sa propre divinité, sa propre étincelle éternelle, la lumière intérieure, l'esprit de l'homme - dois-je vous donner d'autres mots pour que ce soit clair? Ce n'est pas la divinité comprise au sens ecclésiastique. C'est l'esprit de l'homme, cette part immatérielle de lui-même, que la maçonnerie, et elle seule, peut favoriser et peut faire agir dans la vie de tous les jours.

Mais vous devez vous demander, mes Chers Sœurs et Frères, pourquoi n'ai-je pas encore mentionné le thème du colloque "Femmes, Hommes, Convergences".

La réponse est simple: la convergence est au cœur de tout ce que nous faisons ou devrions faire. De même que j'ai été scandalisé par le mépris que portent certains Francs-maçons blancs nord-américains à l'égard de leurs frères noirs, de même nous devons nous interroger sur la large exclusion des femmes de notre vieille confrérie.

Une telle exclusion prend ses sources dans les conventions sociales en vigueur au début du dix-huitième siècle, conventions qui prétendaient que les femmes n'étaient pas des citoyennes entièrement libres, mais tributaires des lois et de la volonté des hommes: cela n'est plus ni valable, ni justifié depuis longtemps. Dans un monde où une femme peut être candidate aux élections présidentielles en France, ou à la fonction du premier ministre en Grande Bretagne, c'est tout simplement pervers de mettre en avant la question du sexe pour juger qui peut, ou ne peut pas, entrer dans ma loge.

Dans mon propre pays, la Grande Loge Unie d'Angleterre, qui est la plus importante en terme de membres, est une obédience uniquement masculine. Au début du vingtième siècle, il y a presque cent ans, la maçonnerie mixte venant de France arriva en Angleterre. C'est vraiment triste que les deux Grandes loges féminines de mon pays ont été créées par suite d'un schisme avec la maçonnerie mixte. Ces deux Grandes loges sont exclusivement féminines et n'accueillent jamais de frères sur leurs colonnes. Mais nous devrions nous demander si elles ne reproduisent pas précisément les interdits que les hommes leur imposaient auparavant et qui avaient conduit à la création du Droit Humain ?

L'esclave affranchi tend à copier les agissements de son maître d'autrefois. En conséquence, dans mon pays, seul l'Ordre mixte international le Droit Humain réserve la possibilité aux deux sexes de converger vers les mêmes loges.

Là aussi, pour ce qui concerne la mixité, je dois dire que nos dirigeants ont montré une bien triste absence d'imagination pour traiter la question. Un dignitaire de la Grande Loge Unie d'Angleterre récemment interrogé sur le fait que son obédience ne reconnaissait pas les sœurs initiées, a dit, ce qu'il a présenté comme son opinion, que les femmes ne peuvent pas être francs-maçonnes car, dit-il, l'équerre, le symbole de base de la maçonnerie, est un symbole mâle; le symbole correspondant féminin serait le cercle! On ne peut que rester bouche bée devant une telle absurdité.

Je suis conscient que j'ai pu vous paraître très critique dans mes propos vis-à-vis de ma propre Grande loge. Mais il y a aussi beaucoup de choses admirables dans la maçonnerie anglaise. Si vous grattez la croûte d'une loge anglaise, vous y trouverez beaucoup à apprendre, beaucoup des valeurs fondamentales de notre vieille confrérie.

Et il ne fait aucun doute que la maçonnerie, où que ce soit dans le monde, est très différente de ce qu'elle était voici trente ans ou plus. Je crois que nous avons une plus grande compréhension des valeurs spirituelles et culturelles que nous partageons; nous avons la volonté de développer les principes fondateurs de notre Art dans l'intérêt de l'humanité; nous voulons sortir dans le monde et montrer que la bonté et l'harmonie peuvent être développées pour améliorer le bien-être de l'humanité. Mais nous n'y arriverons pas si nous restons immobiles, nous n'y arriverons pas si nous conservons des attitudes rigides, nous n'y arriverons pas si nous ne réussissons pas à comprendre les principes de ceux qui ne sont pas d'accord avec nous. Nous y arriverons si nous ouvrons nos coeurs, nous y arriverons en écoutant, en écoutant pas seulement avec nos oreilles. Nous y arriverons en nous dépouillant de quelques shibboleths (mots d'ordre, principes) inutiles; nous y arriverons en travaillant ensemble; nous y arriverons parce que la franc-maçonnerie nous demande la convergence de nous tous, unis dans l'esprit, nous y arriverons en nous rappelant ces mots immortels d'Anderson:

Mais quoique, dans les temps anciens, les maçons fussent obligés, dans chaque pays, d'être de la religion de ce pays ou nation quelle qu'elle fût, aujourd'hui il a été jugé plus convenable de les astreindre seulement à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d'accord, laissant à chacun ses propres opinions; c'est-à-dire d'être des hommes de bien et loyaux, ou des hommes d'honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou croyances qui les distinguent. Par suite de quoi, la maçonnerie devient le centre de l'union et le moyen de nouer une amitié fidèle parmi des personnes qui , autrement, seraient restées à une perpétuelle distance.

© Julian Rees 2008

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